Portraits - N°75 - Juin/Juillet 2007

«Petit manuel de médecine de montagne»

Reconnaissons-le tout de go, la France souffre d’un déficit chronique en matière de formations à l’urgence médicale. Si, en plaine, la non-maîtrise des «gestes qui sauvent» peut être palliée par la rapide intervention des pros du secours, en altitude, la donne est tout autre. Certes l’hélicoptère salvateur accomplit souvent des miracles, mais que faire quand le ciel reste résolument bouché ou quand vous crapahutez hors des sentiers battus, dans des contrées lointaines ? Les couacs ne sont – heureusement ! – pas tous fatals mais ils peuvent être suffisamment invalidants pour gâcher une belle sortie ou carrément ruiner une escapade de plus grande envergure. Acteur du secours en montagne, guide et médecin urgentiste aux hôpitaux du Mont-Blanc, Emmanuel Cauchy sait plus que quiconque la nécessité de pouvoir agir vite et bien dans un milieu hostile. Sans jouer les apprentis-sorciers, il a compilé ce Petit manuel de médecine de montagne, un ouvrage avant tout pratique qui livre informations, gestes et recettes éprouvées pour vous aider à résoudre – du moins provisoirement – des situations médicales difficiles. Petite piqûre de rappel avant d’attaquer bon pied bon œil vos sorties estivales.

 

Quelle est la raison première de ce manuel ?

En France, il existait bien quelques ouvrages pour les professionnels, les médecins mais rien pour le grand public. Ma démarche a été avant tout de rédiger un livre très ouvert et surtout très pratique, avec énormément de détails. Il passe en revue l’essentiel des pathologies rencontrées en montagne, aussi bien en randonnée qu’à haute ou très haute altitude. Le manuel balaie tout, de l’ampoule aux œdèmes en passant par les morsures, les ophtalmies.

 

Vous qui intervenez sur le terrain montagnard, quel constat dressez-vous ? D’une manière générale, comment les pratiquants, confrontés à une urgence médicale, réagissent-ils ?

Aujourd’hui beaucoup de gens n’osent plus rien faire, de peur de réaliser des gestes délétères. Donc ils préfèrent s’abstenir et appeler les secours. Moi je ramène tout cela à notre médecine quotidienne. Quand une maman est toute seule avec son bébé à 30 km d’un hôpital et qu’elle a un problème grave, elle ne va pas laisser son enfant mourir. Elle va quand même tenter quelque chose. Idem pour un guide, un chef d’expédition ou un randonneur. Quand quelqu’un se blesse, vous n’allez pas vous croiser les bras en disant : «Si je ne fais pas bien ça ou ça, alors…» J’ai donc voulu remettre les choses à plat en décrivant des gestes homologués, conventionnels, sur la prise en charge de patients. Tous ces gestes qui sauvent et qui peuvent aider dans bien des situations. Ce livre vous donne des clés pour agir mais il précise aussi les limites que vous pouvez dépasser ou non en fonction de votre formation.

 

Justement, à qui vous adressez-vous ?

Il y a en fait trois cibles : les non-spécialistes, les intermédiaires, c’est-à-dire des gens du milieu, accompagnateurs, guides, pisteurs, etc. Et enfin, les pros de la santé. Il y a des encadrés de couleur différente, afin que chaque lecteur s’y retrouve en fonction de son niveau. Certains chapitres sont à lire impérativement avant de partir en voyage ou d’aller en montagne. Pour le reste, parcourez les pages nécessaires seulement lorsque vous êtes confronté à un problème. Le chapitre consacré aux symptômes est particulièrement pratique. Vous vous repérez aux signes extérieurs (maux de tête, diarrhée…) et ces derniers vous emmènent vers le diagnostic le plus probable avec une série de petits indices. Toutes les informations contenues dans ce manuel se retrouveront également bientôt sur le site de l’Ifremmont (Institut de formation et de recherche en médecine de montagne), dans la partie documentation grand public.

 

Parlant de l’Ifremmont – dont vous êtes un des «pères-fondateurs» –, quand la structure sera-t-elle officiellement lancée ?

La structure officielle avec son assise juridique devrait démarrer en 2008. Mais sur le terrain nous avons déjà de multiples actions en cours, notamment au niveau de la formation. Nous développons aussi beaucoup les services au public, la documentation et l’axe télé-médecine. Nous avons mis au point un prototype de serveur médical qui va permettre d’échanger sur le terrain toutes les informations permettant d’accélérer la prise en charge des blessés, plus particulièrement en montagne. Cet été, nous allons mener une expérience pilote avec trois refuges du massif : le Goûter, les Cosmiques et les Conscrits. Ils seront équipés de paraboles satellite, de valise de télé-médecine avec ordinateur et outils pour établir un premier diagnostic. En cas de suspicion de malaise cardiaque par exemple, le gardien pourra envoyer un électrocardiogramme au centre 15 ou à un médecin expert dans la vallée.

 

Quid du projet de faire de l’hôpital de Chamonix un pôle d’excellence en médecine de montagne ?

Cela fait cinq ans que cet hôpital se meurt. Les locaux sont vides. Il ne reste qu’un service d’urgences – fermé la nuit d’ailleurs –, une cure d’alcoologie et des soins de suite (une vingtaine de lits). Nous sommes pourtant nombreux à avoir essayé de monter un projet cohérent, notamment avec des partenaires privés. La Générale de santé est prête à s’investir, à la fois pour ramener des lits de suite supplémentaires mais aussi pour développer un pôle d’excellence européen axé sur la médecine du sport de montagne, avec un centre d’exploration, des lits de rééducation, etc. Cela permettrait de créer une bonne centaine de postes et surtout de faire revivre l’hôpital de Chamonix, qui tourne dans le vide depuis cinq ans. Courant juin, nous devrions en savoir plus.

 

Avant d’aborder l’été, quels conseils pouvez-vous donner à tous les pratiquants ?

Les règles de prévention restent les mêmes. D’abord il faut y aller progressivement. Se renseigner. Parler aux gens du milieu. Prendre la météo. Etre sûr de son itinéraire. Boire. En montagne, l’hydratation est essentielle. Elle permet d’éviter 1/3 des pathologies d’altitude. Maîtriser quelques gestes de secours basiques, comme la PLS (position latérale de sécurité), le massage cardiaque, le bouche-à-bouche… Dans une pharmacie grande comme une boîte de camembert, vous pouvez caser beaucoup de choses, des antalgiques, deux trois médicaments d’utilisation courante, des pansements compressifs pour arrêter une hémorragie, des aiguilles, etc. Ne paniquez pas quand quelqu’un se blesse. Prenez quelques instants pour faire un bilan. Est-ce que la personne respire ? Est-ce qu’elle est consciente ? Est-ce qu’elle parle ? Si l’un des trois paramètres est négatif, alors agissez. N’oubliez pas d’emporter les numéros de téléphone utiles. Souvent, avec un médecin au bout du fil, 50% des problèmes sont résolus.

 

Petit manuel de médecine de montagne, par le Dr Emmanuel Cauchy, dessins de Ronan Begoc, aux éditions Glénat, 18,95

 


 

A emporter dans son sac à dos !

 

Aux côtés de votre couverture de survie et de votre thermos, vous parviendrez bien à dénicher une petite place pour ce «bouquin malin» rédigé par le Dr Emmanuel Cauchy, alias «Docteur Vertical». Aux antipodes des ouvrages médicaux techniques et hermétiques, ce Petit manuel de médecine de montagne, illustré façon BD, fournit 1 001 informations et «recettes» éprouvées pour vous aider à résoudre, au moins provisoirement, des petits bobos comme de grands maux. «De l’ampoule à l’œdème pulmonaire et de la randonnée à l’expé himalayenne», précise le sous-titre de ce guide clair et pratique que tout randonneur, alpiniste, trekkeur et autre pratiquant des sports nature se doit d’emporter avec sa trousse médicale d’urgence !

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